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PPRI : extension ou construction nouvelle ? Le Conseil d’État fixe la borne quand le règlement est muet (CE, 18 juill. 2025, n° 492241)

droit de l'urbanisme

Alexandre CHEVALLIER

8 septembre 2025

4 minutes

Par une décision du 18 juillet 2025 (n° 492241), les 6e et 5e chambres réunies du Conseil d’État précisent la notion d’extension d’une construction existante au regard d’un plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) : lorsque le règlement du PPRI ne définit pas cette notion, l’extension s’entend d’un agrandissement présentant un lien physique et fonctionnel avec l’ouvrage et des dimensions inférieures à celui-ci ; au-delà, il s’agit d’une construction nouvelle.


Contexte et question

L’affaire concernait un projet de rénovation/extension en zone « rouge clair » du PPRI de la vallée de la Seine et de l’Oise (Croissy-sur-Seine). Le règlement (art. RC 2), qui autorise sous conditions certaines opérations, ne définissait pas ce qu’il fallait entendre par « extension d’une construction existante ». Le tribunal administratif de Versailles avait annulé le permis, jugeant que l’augmentation de la surface de plancher dépassait 100 % de l’existant et devait être regardée comme une construction nouvelle — solution confirmée par le Conseil d’État.

La règle posée : l’extension suppose des dimensions inférieures

La Haute juridiction énonce une règle-guide :

« Lorsque le règlement d’un PPRI ne précise pas […] si la notion d’extension […] comporte une limitation quant aux dimensions d’une telle extension, celle-ci doit, en principe, s’entendre d’un agrandissement de la construction existante présentant, outre un lien physique et fonctionnel avec elle, des dimensions inférieures à celle-ci. »

Cette formule – qui reprend une jurisprudence transversale déjà dégagée pour d’autres instruments d’urbanisme – permet d’éviter qu’un projet massif soit déguisé en simple « extension » pour bénéficier d’un régime plus souple. Appliquée au cas d’espèce, où la surface de plancher passait de 54 m² à 126 m² (soit + >100 %), elle conduit à requalifier le projet en construction nouvelle et donc à écarter le bénéfice du 14° de l’article RC 2 réservé aux extensions/surélévations/aménagements. Le Conseil d’État relève ainsi que l’agrandissement projeté présentait des dimensions supérieures à la construction existante et devait être regardé comme une construction nouvelle.

« […] pour une surface de plancher après réalisation du projet égale à 126 m², soit une augmentation de plus de 100 % […] il en a déduit que l’agrandissement projeté présentait des dimensions supérieures à la construction existante et devait, en conséquence, être regardé comme constituant une construction nouvelle, et non une extension. »

Portée pratique dans une zone PPRI

Le PPRI vise la prévention des risques ; il interdit par principe de nouvelles urbanisations en zone rouge clair, tout en admettant, à titre dérogatoire, des extensions strictement encadrées. Lorsque le règlement ne borne pas la notion d’extension, la solution du Conseil d’État comble le vide :

  • Seuil qualitatif : l’extension n’est pas définie par un pourcentage arithmétique, mais par l’infériorité des dimensions par rapport à l’existant ;
  • Lien fonctionnel et physique : elle doit rester accrochée à la construction initiale (continuité structurelle et d’usage) ;
  • Effet régulateur : un projet « trop grand » bascule dans la catégorie des constructions nouvelles, soumise aux interdictions et conditions propres du PPRI.

Cette clarification sécurise l’instruction des permis en zones à risques : l’autorité peut refuser un projet présenté comme une extension mais dépassant l’existant, même si certaines conditions numériques (ex. plafonds d’emprise au sol du 14°) seraient par ailleurs respectées — celles-ci ne s’appliquent qu’aux véritables extensions.

Le contentieux connexe : sursis à statuer (L. 600-5-1) et office du juge

Le Conseil d’État rappelle qu’aux termes de L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, lorsque les vices sont susceptibles de régularisation, le juge doit surseoir après débat contradictoire. Mais il constate qu’en l’espèce, le tribunal, non saisi à temps d’une demande de régularisation, a implicitement tenu le vice pour insusceptible de régularisation et n’avait pas à motiver un refus de sursis. Il ne méconnaît donc ni son office, ni la règle de droit.

« Un vice entachant le bien-fondé […] est susceptible d’être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet, dès lors que les règles en vigueur le permettent, sans changer la nature même du projet. »

En pratique, cette séquence confirme deux messages : (i) le sursis est la règle s’il existe une voie de régularisation réaliste ; (ii) à défaut d’une demande utile et opportune, le juge peut statuer et annuler sans rouvrir l’instruction.

Appréciation des faits : la donnée de base compte

Le Conseil d’État valide le raisonnement du tribunal sur la surface initiale (54 m²) telle qu’elle figure au dossier du permis ; la production ultérieure d’un permis modificatif mentionnant 75 m² est sans incidence.

« Il ressort des pièces du dossier […] que cette valeur figurait dans la demande de permis de construire initial […] Est sans incidence […] la circonstance que [la pétitionnaire] ait adressé, en cours d’instance, un permis modificatif mentionnant 75 m². »

En synthèse

  • Principe : si le PPRI ne définit pas l’« extension », celle-ci suppose des dimensions inférieures à l’existant et un lien physique/fonctionnel ;
  • Conséquence : au-delà (ex. +100 % SPF), le projet devient une construction nouvellerégime plus strict du PPRI ;
  • Contentieux : L. 600-5-1 (sursis) n’est pas mécaniquement exigé sans demande/opportunité ;
  • Méthode : s’en tenir aux données du dossier (surfaces/plans) pour apprécier le bon périmètre de l’extension.

Extraits de la décision (sélection)

« Zone rouge clair : objectif d’arrêter les nouvelles urbanisations tout en permettant un renouvellement urbain de zones exposées au risque d’inondation. »

« Sont interdites toutes les occupations et utilisations du sol non mentionnées à l’article RC 2 ; par exception, peuvent être admis […] les travaux d’extension/surélévation/aménagement des constructions existantes sous conditions. »

« Extension : à défaut de définition par le règlement, agrandissement de dimensions inférieures à l’existant et présentant un lien physique et fonctionnel. »

« Augmentation de plus de 100 % de la surface de plancher : le projet doit être regardé comme une construction nouvelle. »


Points de vigilance (praticiens)

  • Qualifier d’abord : vérifier si le projet, dans ses dimensions globales, reste inférieur à l’existant ; sinon, sortie du 14° (extension) et régime « construction nouvelle ».
  • Données opposables : fonder l’analyse sur les surfaces/plans du permis initial ; les pièces postérieures n’effacent pas les données de référence.
  • Sursis L. 600-5-1 : utile si une régularisation réaliste est proposée à temps ; à défaut, le juge peut trancher sans rouvrir l’instruction.
  • Pédagogie PPRI : en zone rouge, rappeler que l’extension est une tolérance strictement encadrée au service de la sécurité et non un vecteur d’urbanisation.

Références

  • CE, 18 juill. 2025, n° 492241, 6e-5e ch. réunies, Croissy-sur-Seine — PPRI / notion d’extension ; L. 600-5-1 (office du juge, régularisation).
  • Conclusions du rapporteur public (N. Agnoux) — éclairages sur les objectifs propres du PPRI et les raisons d’harmoniser avec la jurisprudence urbanisme (citations non reproduites, les conclusions n’étant pas libres de droits).

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A propos de Maître Alexandre CHEVALLIER

Avocat et fondateur d'Equitéo Avocat, Alexandre CHEVALLIER est animé par une vision innovante et entrepreneuriale du droit. Il est convaincu de la nécessaire démocratisation de l’accès à l’avocat. A l'écoute, il assiste et représente ses clients dans les domaines du droit de l'urbanisme tant au niveau du conseil que du contentieux.

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