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Autorisations d'urbanisme: des possibilités de régularisation élargies

droit de l'urbanisme

Alexandre CHEVALLIER

29 avril 2021

4 minutes

L'arrêt du Conseil d'Etat du 28 avril 2021 n°441402 vient rappeler l'application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et la notion de "bouleversement de la nature du projet" au regard de sa récente jurisprudence.

L'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme permet la régularisation de vices affectant la légalité d'une autorisation d'urbanisme. Il donne au juge la possibilité de surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi.

Cet article n'offre qu'une faculté au Juge dès lors que les conditions de l'article L. 600-5 sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir ou si le bénéficiaire de l'autorisation d'urbanisme ne souhaite pas y recourir.

Le vice entachant l'autorisation est susceptible d'être régularisé même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en question, sauf si ladite régularisation implique d'apporter un bouleversement modifiant sa nature même.

Cette jurisprudence récente du Conseil d'État est venue élargir de manière significative les possibilités de régularisation d'une autorisation d'urbanisme, marquant une distinction désormais claire entre les notions de "modification" et de "régularisation".

En l'espèce, la Cour administrative d'appel de Nantes, pour refuser l'application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1, a considéré que la régularisation affecterait la conception générale du projet.

En conséquence, le Conseil d'État a logiquement annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Nantes en ce qu'elle a restreint son pouvoir de régularisation et n'a pas recherché si la régularisation impliquerait d'apporter au projet en cause un bouleversement tel qu'il en changerait sa nature même:

4. Après avoir retenu que le projet en litige, qui prévoyait une implantation à trois mètres de la limite séparative, soit à une distance inférieure à la hauteur du bâtiment, n'était pas conforme aux dispositions l'article Ua 7.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Brévin-les-Pins, la cour administrative d'appel de Nantes s'est fondée, pour refuser de faire application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme précités, sur la circonstance que la régularisation affecterait la conception générale du projet et serait, en outre, de nature influer sur sa perception visuelle et son insertion dans l'environnement. En statuant ainsi, sans se limiter à rechercher si une mesure de régularisation impliquerait d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

Considérant ce qui suit :

"1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un arrêté du 1er juillet 2016, le maire de Saint-Brévin-les-Pins (Loire-Atlantique) a délivré à M. E... un permis de construire une maison individuelle d'habitation. Par un jugement du 5 mars 2019, le tribunal administratif de Nantes a jugé que le projet méconnaissait les dispositions de l'article Ua 7.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune et que ce vice n'était pas susceptible d'être régularisé dans le cadre de la mise en oeuvre des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. M. E... se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes qui a rejeté son appel formé contre ce jugement. Les conclusions de son pourvoi doivent toutefois être regardées comme ne tendant à l'annulation de cet arrêt qu'en tant qu'il refuse de faire application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

2. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ". L'article L. 600-5-1 de ce code dispose : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

4. Après avoir retenu que le projet en litige, qui prévoyait une implantation à trois mètres de la limite séparative, soit à une distance inférieure à la hauteur du bâtiment, n'était pas conforme aux dispositions l'article Ua 7.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Brévin-les-Pins, la cour administrative d'appel de Nantes s'est fondée, pour refuser de faire application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme précités, sur la circonstance que la régularisation affecterait la conception générale du projet et serait, en outre, de nature influer sur sa perception visuelle et son insertion dans l'environnement. En statuant ainsi, sans se limiter à rechercher si une mesure de régularisation impliquerait d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que M. E... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant que celui-ci a rejeté ses conclusions tendant à la mise en oeuvre des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. E... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 28 février 2020 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. E... tendant à la mise en oeuvre des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, devant la cour administrative d'appel de Nantes. Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. E... est rejeté. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... E..., à M. et Mme D... B... et à la commune de Saint-Brevin-les-Pins."

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A propos de Maître Alexandre CHEVALLIER

Avocat et fondateur d'Equitéo Avocat, Alexandre CHEVALLIER est animé par une vision innovante et entrepreneuriale du droit. Il est convaincu de la nécessaire démocratisation de l’accès à l’avocat. A l'écoute, il assiste et représente ses clients dans les domaines du droit de l'urbanisme tant au niveau du conseil que du contentieux.

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