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Péremption d’un permis : motivation et contradictoire préalable (CE, avis Les 3 Lynx, 1ᵉʳ juill. 2025, n° 502802)

droit de l'urbanisme

Alexandre CHEVALLIER

17 septembre 2025

4 minutes

Saisi par le TA de Grenoble, le Conseil d’État précise qu’un courrier qui constate la péremption d’une autorisation d’urbanisme est une décision défavorable qui doit être motivée (CRPA, art. L. 211-2, 5°) et, sauf lorsqu’il statue sur une demande, être précédée d’une procédure contradictoire (CRPA, art. L. 121-1). Il trace aussi une limite : lorsque l’administration se borne à relever l’expiration d’un délai, les moyens tirés du défaut de motivation et du défaut de contradictoire sont inopérants (compétence liée).

Le contexte

Par décision du 25 mars 2025, le TA de Grenoble a saisi le Conseil d’État d’une demande d’avis : un constat de péremption d’un permis doit-il être motivé au 5° de l’art. L. 211-2 CRPA ? Faut-il, en conséquence, appliquer la procédure contradictoire de l’art. L. 121-1 ? L’affaire concernait une lettre municipale constatant la péremption d’un permis et enjoignant la société titulaire de cesser les travaux et de déposer une nouvelle demande.

La règle posée par l’avis du 1ᵉʳ juillet 2025

1) Le code de l’urbanisme prévoit que la péremption d’un permis est acquise par le seul laps de temps, sans qu’une décision n’ait à intervenir. Mais, lorsque l’autorité formalise un constat, ce dernier « manifeste l’opposition » à la réalisation du projet au motif que le titulaire est déchu du droit de construire attaché à l’autorisation : la décision doit être motivée sur le fondement du (prescription/forclusion/déchéance) de l’art. L. 211-2 CRPA et, hors décision sur demande, précédée d’un contradictoire (art. L. 121-1).

2) Exception – compétence liée. Si le constat procède du seul constat d’un délai expiré (aucune appréciation factuelle), les moyens tirés du défaut de motivation et du défaut de contradictoire sont inopérants. En revanche, si l’autorité doit apprécier des faits (ex. nature/importance de travaux engagés), ces moyens redeviennent opérants.

Portée pratique

  • Pour les personnes publiques : la « simple » lettre de péremption est une décision qui nécessite une motivation et une procédure contradictoire. Si la péremption résulte purement du délai (aucun fait à apprécier), la compétence liée neutralise les moyens de procédure/motivation ; mais cela suppose de pouvoir le démontrer.

  • Pour les titulaires de permis : lever le doute sur l’achèvement, la consistance et la chronologie des travaux (photos, attestations, factures, DICT, constat d’huissier). Si l’autorité n’a pas mis en œuvre le contradictoire alors qu’elle appréciait des faits, l’irrégularité est sanctionnable.

  • Pour le contentieux : contester plutôt la matérialité du délai (date de notification, interruption > 1 an, prorogations) ; en cas d’appréciation de faits, soulever utilement le défaut de motivation/contradictoire.


Ce que dit l’avis, point par point

  • Péremption « automatique » : R. 424-17 CU → permis périmé si travaux non entrepris dans 3 ans ou interruption > 1 an ; acquise par le laps du temps, sans* décision nécessaire.

  • Nature du constat : la décision de constater la péremption « manifeste l’opposition » de l’autorité, révélant la déchéance du droit de construire attaché à l’autorisation → motivation et contradictoire nécessaires.

  • Clause de compétence liée : – Si l’autorité se borne à constater l’expiration d’un délai, les moyens tirés du défaut de motivation/contradictoire sont inopérants ;
    Si l’autorité apprécie des faits (ex. consistance de travaux), ces moyens sont opérants.

À retenir : Motivation & contradictoire deviennent la règle pour les constats de péremption dès qu’une appréciation factuelle intervient. Ils « sautent » seulement quand l’administration est en compétence liée devant un délai objectivement expiré.


Mode d’emploi (collectivités & pétitionnaire)

Avant de notifier un constat de péremption :

1) Vérifier le terrain textuel : R. 424-17 à R. 424-20 CU (délais, prorogations, interruption) ; existence d’actes (prorogation, transfert, modificatif).

2) Cartographier les faits : date de notification/naissance de la décision, démarrage des travaux (éléments probants), périodes d’interruption, consistance (importance) des travaux. Si une appréciation s’impose → contradictoire.

3) Motiver au bon visa : rappeler R. 424-17 CU, exposer les éléments factuels (dates/constats) et la qualification (déchéance du droit à construire attaché à l’autorisation), puis conclure* à la péremption.

Côté pétitionnaire :

  • Produire : attestations d’artisans, factures, photos datées, constats, DICT, certificats de conformité partielle ; reconstituer la frise temporelle pour déplacer le point de départ ou démontrer l’engagement/poursuite des travaux.

  • Argumenter : si la lettre discute la consistance des travaux sans contradictoire, viser l’irrégularité procédurale ; si l’autorité n’a que décompté un délai incontesté, cibler la matérialité (notification, computation, interruptions).


Références

  • CE, avis, 1ᵉʳ juill. 2025, n° 502802 (Les 3 Lynx)
  • Conclusions de Mme Dorothée Pradines.

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A propos de Maître Alexandre CHEVALLIER

Avocat et fondateur d'Equitéo Avocat, Alexandre CHEVALLIER est animé par une vision innovante et entrepreneuriale du droit. Il est convaincu de la nécessaire démocratisation de l’accès à l’avocat. A l'écoute, il assiste et représente ses clients dans les domaines du droit de l'urbanisme tant au niveau du conseil que du contentieux.

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