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Permis sur construction irrégulière : la demande doit couvrir tout le bâtiment (CE, 10 juill. 2025, n° 497619)

droit de l'urbanisme

Alexandre CHEVALLIER

8 septembre 2025

6 minutes

Par une décision du 10 juillet 2025 (n° 497619), les 2e et 7e chambres réunies du Conseil d’État confirment trois points : (1) pas d’obligation pour le juge de rouvrir l’instruction lorsque la pièce pouvait être produite avant clôture ; (2) si une construction a été édifiée sans autorisation, le pétitionnaire qui souhaite y réaliser de nouveaux travaux doit déposer une demande couvrant l’ensemble du bâtiment ; (3) l’office du juge au regard de L. 600-4-1 est respecté lorsqu’il annule la décision et écarte ensuite les autres moyens comme inopérants.

1) Faits & procédure

Un permis de construire du 23 juillet 2021 autorise deux maisons à Fontenay-aux-Roses, l’une adossée à un garage. Le TA de Cergy-Pontoise annule le permis (28 mai 2024). En cassation, la bénéficiaire invoque notamment un permis ancien qui aurait autorisé le garage.

Pièce tardive : le Conseil d’État rejette le grief — la requérante n’établit pas qu’elle ne pouvait produire cette autorisation avant la clôture. En l’absence d’empêchement, pas d’obligation de rouvrir l’instruction.

« [La requérante] n’a pas établi, ni même allégué, qu’elle n’aurait pas été en mesure de faire état, avant la clôture de l’instruction, du permis… »

2) si une construction a été édifiée sans autorisation, le pétitionnaire qui souhaite y réaliser de nouveaux travaux doit déposer une demande couvrant l’ensemble du bâtiment

La Haute juridiction réaffirme une exigence stricte : lorsque des travaux sont envisagés sur un bâtiment existant édifié sans autorisation, la demande d’autorisation doit porter sur l’ouvrage entier. À défaut, l’autorité doit refuser le permis et inviter le pétitionnaire à déposer une demande complète.

« Il appartient au propriétaire […] de présenter une demande d’autorisation d’urbanisme portant sur l’ensemble du bâtiment. Dans l’hypothèse inverse, l’autorité est tenue de la rejeter et d’inviter son auteur à présenter une demande complète. »

En l’espèce, le tribunal a souverainement constaté qu’aucune pièce ne démontrait que le garage était autorisé. Dès lors, l’annulation du permis, qui visait des travaux sur cette construction non régularisée, était légalement justifiée.

« Il ne ressortait d’aucune des pièces du dossier que la construction existante aurait été autorisée… »

3) Office du juge et L. 600-4-1 du Code de l'urbanisme

L’article L. 600-4-1 impose au juge, lorsqu’il annule une décision d’urbanisme, de se prononcer sur l’ensemble des moyens qu’il estime susceptibles de fonder l’annulation. Ici, le TA a annulé sur le fondement principal et a ensuite écarté les autres moyens comme inopérants : le Conseil d’État valide la démarche. Il rappelle qu’en cassation, il suffit qu’un des motifs d’annulation justifie légalement le dispositif ; il n’y a pas lieu d’examiner les autres motifs écartés dès lors qu'ils ont été jugés comme inopérants.

« En prononçant l'annulation du permis de construire litigieux puis en écartant l'ensemble des autres moyens de la requête comme inopérants, le tribunal administratif, qui, ce faisant, s'est prononcé explicitement sur tous les moyens qu'il a estimé fondés, n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme... »

4) Portée pratique

  • Avant tout dépôt : auditer l’existant (titres, permis antérieurs, conformité achevée). En cas d’irrégularité, régulariser d’abord ou inclure la construction entière dans la demande.
  • Pour les maires/instructeurs : si la demande n’embrasse pas l’ouvrage irrégulier, refuser et inviter à déposer une demande couvrant l’ensemble.
  • En contentieux : la production tardive d’une pièce est inefficace si elle pouvait être produite avant clôture.
  • Devant le juge : une fois l’annulation acquise sur un motif suffisant, la critique du maniement de L. 600-4-1 a une portée limitée en cassation dès lors que les autres moyens sont jugés comme inopérants.

Points de vigilance (check-list)

  • Cartographier l’état des lieux : existence d’un permis antérieur ? Achèvement et conformité réalisés ?
  • Stratégie de régularisation : si l’existant est irrégulier, inclure tout l’ouvrage dans la demande (ou régulariser en amont).
  • Dossier probatoire : produire lors de l’instruction les autorisations invoquées sous peine de rejet des pièces.

Références

  • CE, 10 juill. 2025, n° 497619, 2e-7e ch. réunies — Demande couvrant l’ensemble du bâtiment irrégulier ; L. 600-4-1 ; non-réouverture de l’instruction.
  • Conclusions du rapporteur public (C. Malverti)

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A propos de Maître Alexandre CHEVALLIER

Avocat et fondateur d'Equitéo Avocat, Alexandre CHEVALLIER est animé par une vision innovante et entrepreneuriale du droit. Il est convaincu de la nécessaire démocratisation de l’accès à l’avocat. A l'écoute, il assiste et représente ses clients dans les domaines du droit de l'urbanisme tant au niveau du conseil que du contentieux.

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